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Violence faite aux femmes: Mme Loukou, une victime, dénonce et interpelle

Mme Loukou Koffi a décidé de prendre le devant des choses contre la violence faite aux femmes.
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Après le verdict du 31 mars 2023 dans l’affaire de Violence faite aux femmes accusant son mari, Loukou Koffi de coups et blessures volontaires, son épouse, Mme Akouman Apolline épouse Loukou, est sortie de sa réserve. Elle revient sur le verdit sur cette question de violente faite aux femmes dont elle a été victime pendant 14 ans dans son foyer. Elle a interpellé le gouvernement, les hommes de loi, le président de la République ivoirienne, Alassane Ouattara et tous ceux qui protègent les bourreaux des femmes en entravant la lutte contre la violente faite aux femmes. Selon Mme Loukou, il faut que, quel que soit leur âge, les hommes auteurs de violente faite aux femmes soient condamnés à une peine de prison  ferme afin que cela serve de leçon aux autres. Aussi a-t-elle décidé de s’élever désormais contre les bourreaux des femmes. Pour ce faire, elle a appelé les journalistes et les femmes victimes à la rejoindre dans cette lutte contre la violence faite aux femmes, afin d’arrêter  cette hémorragie qui dégrade l’image de la femme.  

Le verdict de votre procès contre votre mari vient de tomber. Quels sont vos premiers mots ?

Je dis merci d’abord, à vous les journalistes. Parce que sans vous, nous n’en serons pas à la fin de ce verdict. Je me nomme Akoman épouse Loukou. Ex-conseillère au Conseil économique, social, environnemental et culturel (CESEC), observatrice de CEDEAO pour les élections, présidente de l’Ong Femmes battantes de Côte d’Ivoire, aide sociale à la retraite. J’ai 61 ans. Je suis légalement mariée devant Dieu devant les hommes avec M. Lokou Koffi.

Mme Loukou n’est pas trop satisfaite de la peine contre son mari qui l’a battue pendant 14 ans.

Merci pour la présentation. C’est vrai que c’est  la délibération. Mais dites-nous pourquoi avez-vous traduit votre mari en justice ?

Je suis allé me mariée à un monsieur qui à 7 enfants 7 mamans croyant que j’allais mettre fin à un cycle infernal. Malheureusement, je n’ai eu du bonheur que 2 mois. C’était la souffrance. Mais vu les fonctions que j’occupais, je ne pouvais pas dévoiler ce que je vivais. Même le ministre de la Solidarité, ministre de la famille a dit de dénoncer. Mais est-ce que je pouvais dénoncer ce que je vivais ? Pendant 14 ans, après mon entrée dans mon foyer, en tant que épouse légale, j’ai eu affaire à un bourreau. C’est un monsieur qui maltraite la femme. Mais j’étais déjà dedans. J’ai caché ma souffrance pendant 14 ans. Ce n’est pas 14 ans de mariage. C’est 14 ans de maltraitance.

Et qu’est-ce qui vous a fait réagir finalement ?

La dernière fois, c’était en juin 2022 où il m’a frappée encore. J’étais dans le coma. On m’a envoyé à l’hôpital. J’ai eu 45 jours de repos après délivrance du certificat médical. Et mon neurologue m’a aussi donné 20 jours de repos maladie. Parce que j’étais sur béquille. Je n’arrivais pas à marcher. C’est ainsi qu’après ma plainte, à la gendarmerie et à la justice, il a été arrêté.

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On a même tapé son PV pour qu’il soit déféré. Mais les gens sont intervenus et on l’a libéré. Ce n’est pas pour le dénigrer. Mais il dit partout qu’il est chef. Mais il n’a jamais été chef. Il dit être le chef des Baoulé d’Attoban. Mais il n’a jamais été chef. Il est dans le groupe des chefs, il n’a jamais été chef.  C’est avant-hier, le 23 janvier 2023 qu’il est allé se faire introniser dans un quartier appelé ‘‘Diabo Ahougnanou Bouaké’’, de son village comme chef de quartier. A cette intronisation, le préfet n’était pas là, ni le sous-préfet, ni le maire, ni les députés, ni le chef canton. C’est-à-dire que son intronisation s’est fait dans l’illégalité. Et encore, il est allé se faire introniser avec une autre femme. Une copine, après m’avoir abandonné à la maison.

Vous a-t-il vraiment abandonné ?

Cela fait 3 ans qu’il ne me donne pas à manger. Cela fait 9 mois qu’il a quitté la maison sans laisser l’argent. C’est moi-même qui aie pris mes frais médicaux en charge. Mais j’interpelle aujourd’hui le président Alassane Ouattara. D’abord, je lui dis merci pour les décisions prises en faveur des femmes. Parce que quand j’ai été frappée, le Ministère de la Femme, de la Famille et de l’Enfant m’a donnée un avocat, le CNDH m’a donné un avocat. Moi-même, j’ai pris un avocat. Monsieur Loukou m’a dit que cette affaire n’ira pas loin.

Selon Mme Loukou, le tribunal doit corser les peines contre les auteurs de violence faite aux femmes.

Mais ce que j’ai appris après le verdict, m’a choqué. Parce que le 6ème cabinet nous a reçus là-bas. On nous a interrogés. J’ai fourni tout ce qu’il faut pour l’enquête. Et le 6ème cabinet a trouvé juste que nous soyons jugés devant le tribunal correctionnel. Et le 3 mars, il a été condamné fermement avec 5 millions d’amende. Et le juge nous a dit qu’il allait rendre le verdict le 31 mars 2023. Entre temps, il disait partout qu’il connait les grands de ce pays. Et que ça ne peut pas aller loin. Je vois qu’effectivement, il connait. Il a été condamné à 6 mois avec sursis.

Qu’est-ce que vous ne trouvez pas normal ?

Aujourd’hui, ce qui m’emmène à interpeller les uns et les autres, c’est qu’est-ce qu’on donne véritablement aux femmes victimes de violence pour que ceux qui les violentent arrêtent de le faire ? Récemment à Sassandra, il y a un monsieur qui a frappé sa belle-sœur et sa femme, il a été condamné à 1 mois de prison ferme plus dommages et intérêts. Quant à moi, j’ai eu 45 jours de repos à cause de la gravité de l’acte et j’étais obligée de marcher avec des béquilles pendant 3 mois. Et on lui donne 6 mois de prison avec sursis parce qu’il est vieux. On dit qu’il est vieux. Et si j’étais morte lorsqu’il m’avait frappée ?

Pourquoi on ne condamne pas ceux qui frappent les femmes, même s’ils ont 100 ans à des peines d’emprisonnement ferme au moins un an deux ans, pour que ceux qui font ça puissent arrêter ? Ah les femmes ? Ah les femmes ? Nous allons mourir cadeau. Parce que je ne suis pas morte, on refuse de le condamner à une peine d’emprisonnement ferme pour que cela lui serve de leçon. Vous voyez mon pied ? Aujourd’hui, je ne peux pas voyager. Récemment, je devais aller au Nigéria pour la supervision des élections. Mais à cause de ce qu’il m’a fait au pied, je ne peux pas voyager. Je ne peux pas m’asseoir pendant 50 km de voyage. Avec mes 61 ans, ce monsieur m’a détruit. Ça c’est plus que la mort.

Alors j’interpelle le gouvernement ivoirien. Ce que M. Loukou m’a dit en affirmant que ça ne peut pas aller loin, il faut qu’on agisse afin qu’on n’entende plus ces genres de langages qui donnent la force aux bourreaux des femmes de continuer leur sales besognes. Quand un homme frappe une femme, c’est facile pour l’homme. Mais quand c’est une femme qui envoie son mari au tribunal, on dit que c’est le père de tes enfants, c’est ton époux. Mais et celles qu’on frappe ? Et celles qu’on tue ?

Ce n’est pas la mère de ses enfants et son épouse qu’il a frappé, qu’il a tué ? Une femme qui a préparé pour lui, qui a chauffé de l’eau pour lui, qui lui a fait à manger ? Mes sœurs, où est passé le droit de l’homme ? Où est le droit de la femme ? Il a dit que ça ne peut pas aller loin. Il a été condamné à 6 mois de prison avec sursis, je suis d’accord. Parce qu’on dit qu’il est âgé. Il a 67 ans. Donc il est âgé, on ne peut pas le mettre en prison.

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Il risque de mourir là-bas. Je suis d’accord, parce que je ne veux pas avoir ça sur ma conscience. Mais s’il prenait au moins un mois d’emprisonnement pour violence faite aux femmes, ça allait interpeller les autres pour ne pas qu’ils frappent leurs femmes, pour ne pas qu’ils détruisent les femmes. Dieu merci, je ne suis pas morte et je ne vais pas mourir maintenant.

A vous entendre, vous avez un message en vers les femmes qui sont violentées ?

Oui. Aujourd’hui j’interpelle les femmes qu’on frappe, les femmes qui ont été tuées, mêmes si elles sont mortes, je demande à leurs parents à tout le monde de venir se joindre à moi. Tout dernièrement à Affery, il y a une femme qu’on a découpé ses bras, son mari a découpé tous ses bras. Quand on va attraper ce monsieur, c’est pour venir faire prison, après il sortira. Parce que moi, il ne m’a pas découpé, il ne m’a pas tuée que la sanction est faible.

Vous voyez, si les femmes refusent de dénoncer leurs bourreaux, c’est parce que, lorsqu’elles les dénoncent, elles ne sont pas soutenues. Il faut dire que c’est parce que dès le départ, j’ai été soutenue par un journaliste que les choses ont vite évoluées. Et je demande à d’autres journalistes de venir m’aider à poursuivre ce combat de violence faite aux femmes. Parce qu’il y a encore des femmes victimes qui sont en train de mourir dans l’ombre à cause des violences dont elles sont victimes.

Je ne suis pas morte. Et je ne baisserai pas les bras. Je combattrai désormais ce fléau de violence faite aux femmes. M. Loukou m’a dit que l’affaire n’ira pas loin. Mais aussi, il dit qu’il est chef. Aujourd’hui, après sa condamnation de 6 mois de de prison avec sursis, cela est inscrit dans son casier judiciaire. Et en tant que chef de quartier, c’est quel exemple, en tant que condamné, va-t-il donner à ses sujets ? N’est pas chef qui veut ?

Est chef, celui qui est un exemple devant tout le monde, même devant les jeunes voire devant les enfants. Que peut-il dire devant ceux-là en tant que condamné frappeur de son épouse légitime et responsable de violence faite aux femmes ? Je dis merci au procureur de la République, parce qu’il a beaucoup fait pour que cette affaire arrive à son terme. Je dis merci à madame la juge.

Je dis merci à madame la juge du 6ème cabinet qui a donné de l’importance à ce problème. Parce que quand elle nous a reçus, l’affaire pouvait rester dans les tiroirs pendant longtemps. Mais elle a mené son enquête en tant que femme. Et elle a jugé bon que ce monsieur soit jugé devant le tribunal correctionnel. Quand M. Loukou a vu ça, il a dit que ça ne pouvait pas aller loin parce qu’il connaît tel ministre, tel président, tel député, tel roi et autres. Mais il ne connaît pas la justice de Dieu. Je suis contente. Parce qu’il a quand même eu une condamnation de 6 mois de pris avec sursis. Cela veut dire que désormais, avec son âge, il est surveillé de près. Ce qui justifie que sa crédibilité est mise en jeu, sa crédibilité touchée. Je dirai même qu’il n’est plus crédible. Parce qu’il est désormais un condamné.

Les enfants ont dit que leur papa m’a ratée. Prochainement, il va me casser en deux et que ma place n’est pas au cimetière. Elles ont dit qu’elles vont me faire du mal. Alors je prends tout le monde entier à témoin. Ma vie est en danger. S’il m’arrive quelle que chose, ce sont ses enfants et lui. Je suis menacée. Parce qu’elles ont dit que si on va en justice qu’ils n’ont pas condamné leur papa, j’ai chaud, s’ils le condamnent aussi, j’ai chaud, ils vont me faire plus que ça. Alors, je vous interpelle. Merci.

Réalisée par Benoît Kadjo

 

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