Si aujourd’hui, chacun se targue de posséder un téléphone cellulaire avec l’évolution du temps, force est de reconnaître qu’aux premières heures de cette innovation majeure, ce ne fut pas à la portée de tous. Le blackmarket ou Djassa était le dernier recours pour beaucoup d’abidjanais et les économiquement faibles pour espérer posséder un téléphone ou lalé (en jargon), en dépit de la mauvaise perception véhiculée. Aujourd’hui, modernisés, ces endroits sont plus ou moins fréquentables et en pleine expansion. Incursion.
Djassa une opportunité d’emploi pour la jeunesse abidjanaise
Adjamé, Treichville, Koumassi et Yopougon… sont les places fortes où la vente parallèle des téléphones et des ordinateurs se sont développés surtout dans la capitale économique ivoirienne. Avant de devenir une vitrine de la mode, des téléphones et accessoires, le Djassa à l’origine, était entièrement un marché noir où toutes sortes d’articles de seconde main se vendaient. Parfois par système de troc ou semi. « Au lycée déjà, quand on avait besoin d’une paire de basket ou autres articles de qualité ou valeur authentique, on partait voir le djassaman et le tour était joué », soutient M. Harding Koffi président de l’Union des Commerçants de Wacouboué (UCWA), dans la commune de Yopougon.
Parce que selon lui, c’est une vente à la sauvette donc, « la transaction est très rapide et de gré à gré ». « Ce qui nous exposait parfois à toutes sortes d’insécurité », ajoute KM commençant au Blacketmarket d’Adjamé.
Aujourd’hui, force est de reconnaître que le djassaman n’est plus ce jeune dont on se méfiait tant. « Le djassaman d’aujourd’hui est un homme d’affaires, un travailleur de l’informel qui apporte à l’économie en réduisant le chômage par ricochet », affirme Harding Koffi. Même appréciation de la part de Ouédraogo à Treichville qui défend que le djassa en dépit d’une perception parfois négative, a contribué à rendre indépendants beaucoup de jeunes sur le plan social.
« C’est un marché assez porteur qui génère des chiffres d’affaires impressionnants. Dont les bénéfices ont permis à certains de réussir à leur concours administratif. D’autres de vivre aujourd’hui en Europe », souligne le président du UCWA pour montrer qu’ils n’ont pas eu tort d’opérer ce choix.
Le Djassa, un milieu à risque…
Si, à première vue, tout semble baigner dans l’huile pour les djassamen, force est de noter que ce milieu regorge de multiples et difficiles problèmes. Comme toute activité, ce domaine revêt en son sein des brebis galeuses qui par leurs comportements indélicats, finissent par jeter l’opprobre et le discrédit sur l’ensemble de la corporation. Vols et braquages de téléphones entre autres… « Aujourd’hui, avec les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) le système de traçage est devenu en partie un sérieux problème pour nous. Beaucoup des nôtres ont perdu tout leur capital », se désole Harding Koffi.
Et d’expliquer ensuite que « des personnes véreuses qui soustraient frauduleusement des appareils, viennent vers nous comme propriétaires prétextant avoir des soucis d’ordre social. D’autres plus ingénieuses, falsifient des reçus en leur nom et se présentent avec des téléphones cartonnés. Finalement, ce sont les djassamen qui paient le prix fort avec parfois des emprisonnements. »
À ces difficultés récurrentes, il faut ajouter les taxes et les impôts qui ne cessent de gripper face à un marché au ralenti, dû selon ses acteurs, à la conjoncture économique. Impactant une marge bénéficiaire qui, au dire de certains, suit depuis une courbe décroissante. Même si des efforts sont déployés pour maintenir le cap. Également, ils stigmatisent le comportement des maisons de téléphonie qui descendent dans l’arène de détail pour une concurrence jugée par eux déloyale.
Le plaidoyer et l’appel des djassamen aux autorités
Face à ces difficultés, moult solutions ont été adoptées du côté de Yopougon pour endiguer l’action des vendeurs véreux. En instaurant un registre pour tous ceux qui vendront désormais des portables de seconde main. Echecs et mâts. Parce que non reconnu par les autorités. En outre, tous demandent pour la prospérité du secteur, l’accompagnement de l’Etat pour résoudre certains de leurs problèmes entre autres en facilitant l’accès au crédit.
« Nous souhaitons que les autorités municipales ou étatiques se penchent sur notre situation. Parce que celui de Yop par exemple est très grand revendiquant au passage plus de 2000 personnes (avec des nouveaux arrivants des casses de Liberté et de Ficgayo). Certaines, très qualifiées et d’autres moindre, ont décidé d’embrasser définitivement cette activité », plaide le président Harding.
Espérons que ce plaidoyer ait un écho favorable auprès des autorités concernées
Félix Yao