Entrepreneuriat féminin / Mme Koné Isabelle (Fondatrice du RIFEVAL et Scoop Socopad) : « Mon histoire, c’est du salariat à l’entrepreneuriat »

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Mme Koné Isabelle, est la présidente fondatrice du Réseau ivoirien des femmes expertes en gestion et suivi, évaluation (RIFEVAL). Elle est également la fondatrice de la Société coopérative simplifiée des produits agricoles et divers (SCOOPS SOCOPAD) et agro-transformatrice, promotrice de la marque « Carré pur Cao » etc. Dans cette interview, elle parle des raisons de la création du RIFEVAL et SCOOPS SOCOPAD et pourquoi après 25 ans de salariat, elle a opté pour l’entrepreneuriat féminin.

Vous êtes la présidente fondatrice du RIFEVAL. Que fait concrètement le RIFEVAL pour la Femme ?

Le RIFEVAL a pour vision d’être une référence en gestion de projets au service de la Femme pour un développement durable. RIFEVAL signifie, le Réseau ivoirien des femmes expertes en gestion suivi et évaluation. A cet effet, RIFEVAL a été créé pour deux grandes raisons. La première c’est d’apporter de l’expérience professionnelle avérée aux femmes. Parce que dans le monde de la gestion de projet, et surtout la gestion efficiente de projet, c’est à dire l’évaluation, etc., nous n’avons pas beaucoup de femmes dans ce domaine.

Et chaque fois qu’il y a des postes à pourvoir, on entend dire en général que les candidatures féminines sont vivement souhaitées, encouragées etc. Mais en même temps, il y a une petite phrase qui vient après. Il faut 5 ans, 10 ans d’expériences professionnelles avérées dans le domaine. L’expérience professionnelle, on l’acquiert comment si on n’a pas l’occasion de pratiquer ? C’est l’une des raisons d’existence du RIFEVAL. Ensuite, il fallait expérimenter la pratique de la gestion de projet, du suivi et évaluation, des  projets qui soient vraiment pérennes, de façon durable dans le temps.

Il fallait choisir un secteur qui puisse servir aussi. On sait que la gestion de projet est transversale. Donc du coup, nous avons choisi le segment de l’agriculture. Et pour les femmes qui sont le maillon le plus vulnérable dans la chaîne de valeur générale agricole. En général, on accompagne des groupements féminins dans l’expertise de la gestion de projet, du suivi et évaluation et en même temps, à se prendre en charge. C’est-à-dire, faire en sorte que dans le monde agricole, les femmes arrivent à se prendre en charge correctement, parce qu’elles ont des projets. Vous savez, elles sont en général bénéficiaires de financements. Mais après le départ des bailleurs, ces bénéficiaires ne s’approprient pas forcément les projets. Et 2 ans, 5 ans après, elles perdent le fil conducteur du projet.

Donc RIFEVAL est venu pour répondre à cette problématique-là. Aider les femmes, aider les autres femmes du secteur rural, agricole, du secteur informel à se prendre en charge avec des projets pérennes etc. Et en même temps, donner de l’expertise pour pouvoir mieux positionner les femmes expertes, qu’elles soient expertes en gestion de projets ou bien dans d’autres domaines de la vie, la comptabilité etc. Et pour qu’elles puissent s’impliquer vraiment dans le suivi évaluation. Le RIFEVAL est là pour ça.

En termes d’entrepreneuriat féminin, concrètement, que fait le RIFEVAL pour les femmes ?

En termes d’entrepreneuriat féminin, l’un des segments d’intervention du RIFEVAL c’est la motivation à l’entrepreneuriat féminin. Mais on ne parle pas d’entrepreneuriat féminin sans une bonne gestion, comme on le dit. C’est pour cette raison que le RIFEVAL aide les femmes à maîtriser d’abord, ce qu’elles font. Lorsque, par exemple, nous prenons un segment, quand on a ciblé, parce qu’on a des thèmes de référence qui cibles déjà les bénéficiaires du programme. Je prends un exemple.

Quelqu’une qui est dans la production d’arachide. Elle fait des pâtes d’arachide pour vendre. Il faut déjà qu’elle sache la source de l’arachide. Comment est-ce qu’on produit l’arachide ? Comment est-ce qu’on récolte ? Pour avoir de bonnes graines, comment traiter cette arachide là pour sortir la bonne pâte ? Et où est-ce qu’elle va vendre ? On va regarder pour voir, à quel maillon de cette chaîne, des trois segments de la chaîne de valeur de la pâte d’arachide elle se situe ? Est-ce qu’elle est juste commerçante ? C’est d’autres personnes qui produisent et elle prend pour vendre ? Est-ce qu’elle est transformatrice ? Prend-elle la matière première pour pouvoir vendre ?

Est-elle productrice ? Cultive-t-elle l’arachide ? Et à ce niveau-là, le RIFEVAL va intervenir pour pouvoir améliorer son procès. Parce que forcément, il y a du bon dans ce que les femmes font. Il suffit qu’elles aient l’expertise, qu’on les accompagne. Et après, elles savent comment le faire de façon qualitative, pour que ça respecte toutes les chaines de valeur, d’hygiène etc., pour sa commercialisation. Ça c’est par exemple pour le monde agricole. Mais en général, on travaille avec des groupements.

Aujourd’hui, si on doit parler d’acquis, quels sont les acquis du RIFEVAL ?

Aujourd’hui, nos acquis sont énormes. Déjà, c’est de bouche à oreille que des groupements de femmes dans le secteur agricole, même dans l’informel, certaines femmes expertes dans d’autres domaines viennent à nous. Parce que nos premières expériences sont des prospects. On ne fait pas de publicités. Je prendrai la première expérience qui a été celle du RIFEVAL. Il s’agit d’une femme d’une soixantaine d’année que nous avons prise comme modèle de persévérance dans son domaine. Cette femme s’appelle Mme Kéita Bougouri.

Après avoir fait un AVC, elle a perdu l’usage du côté droit. Le bras et le pied qui ne fonctionnaient pas. Mais elle avait encore l’usage du côté gauche. Son bras et son pied. Et au lieu de se résoudre à faire la manche comme d’autres personnes, elle a décidé de prendre son destin en main. De commerçante qu’elle était, elle partait d’Adjamé à Abobo pour acheter des marchandises pour vendre, elle s’est transformée en productrice d’huile de palmiste. C’est-à-dire dans le quartier où elle vivait, tout le monde la connaissait.

Dès que quelqu’une fait sa sauce graine, elle met les noix sur la tête d’un enfant pour aller lui donner. Mme Kéita Bougouri concassait les noix de palmiste une à une sur une pierre. Si vous allez sur le site de RIFEVAL, vous allez voir un peu son expérience. Et le jour que j’ai rencontré Mme Kéita, elle avait concassé les noix, avec la main gauche, sur une pierre à hauteur de 50 kg. Mais elle n’avait pas les moyens d’aller moudre ces noix. Elle pilait avec la main gauche toujours dans un mortier pour sortir de l’huile de palmiste. Evidemment, il y avait beaucoup de pertes dans le procès parce que, le fait que ce ne soit pas bien moulu, et que c’est à la main, elle perd déjà.

Et le travail était vraiment pénible. Ça faisait qu’elle ne pouvait pas correctement se prendre en charge. Evidemment, elle avait arrêté ses soins de kiné. Elle ne pouvait pas, effectivement, manger 3 fois par jour. Elle n’avait pas le minimum pour vivre. C’était vraiment le strict. Nous l’avons accompagnée. Et on avait mis autour de Mme Kéita, au cas où elle ne serait pas là, dans le cadre du prolongement du procès, que d’autres personnes puissent prendre la relève, qu’elles puissent lui apporter quelque chose pour que le projet puisse continuer. Et c’est là que SCOOPS SOCOPAD est entrée en production.

Donc pour Mme Kéita Bougouri, quand nous avons regardé le procès, nous avons vu la pénibilité du travail. On a commencé par les mesures d’urgence. En urgence, il fallait l’accompagner pour que la première production, qui est de moudre, soit bien faite. On a mis le système en place. Il fallait qu’elle reprenne ses soins. On a mis ce procès en place. Il fallait aussi qu’après avoir pu le faire au moulin, il faillait qu’elle puisse produire en quantité et que l’emballage soit associé et adapté aussi pour pouvoir trouver des débouchés. On a mis ce procès en place et après on l’a accompagné avec un moulin adapté à sa cause.

Donc, on a trouvé des solutions adaptées aux différents procès, aux différentes situations. On lui a donné un moulin, avec une manivelle, côté gauche. Parce que si c’est le côté droit ça ne marche pas. Si c’est avec un moulin avec électricité, elle ne pourra pas payer l’électricité. Elle a eu ce moulin-là, avec un Moulinex manuel prototype fabriqué à son image. Elle a commencé à travailler et à produire en quantité et en qualité. Elle a commencé à mettre l’huile dans des bidons. Au lieu que ce soit dans des sachets berlingots, maintenant, c’était dans des bouteilles comme on le lui avait recommandé.

Mais un autre problème se posait. Elle vend à qui ? Elle revient pour nous dire mais vraiment je produis mais ici-là, les gens ne veulent pas. Parce qu’elle te sort de l’huile, comme de l’huile Dinor bien claire, limpide. Et elle sort aussi, l’huile noire qu’on utilise chez nous au village. Il fallait trouver une solution. Parce que tout problème résolu à moitié demeure un problème. Voici comment SCOOPS SOCOPAD est rentrée en production. D’abord, il fallait la libérer de ce stress. Il ne fallait pas qu’elle réfléchisse à comment vendre. On a commencé à récupérer sa production.

Je lui ai dit non, ne te fait pas de soucis. Toi, travailles. Et il fallait mettre autour d’elle, un système qui lui permette d’être plus tranquille. Parce qu’elle ne peut pas soulever de poids lourds etc. Donc deux ou trois autres femmes se sont mises autour d’elle. Elles voulaient s’intéresser au projet pour travailler avec elle. Donc, elles concassent, elles vont au moulin etc. Vraiment le travail fonctionnait bien. On a commencé à récupérer la production mais il faut commercialiser l’huile de palmiste.

Il faut trouver des gens qui en ont besoin. Et quand ça a commencé à se stocker à notre niveau, il fallait passer à autres choses. Un autre de nos acquis, c’est la filière karité. Nous avons choisi une zone pilote des femmes qui n’ont jamais entendu parler d’accompagnement. Trois (3) villages dans la zone productrice de karité, dans le grand nord, dans le département de Ferkessédougou. Nous avons accompagné ces trois villages.

Et c’est la même chose. C’est le même procès. Elles n’ont jamais entendu parler d’accompagnement. Il y a un an, on n’était allé vers elles pour commencer le projet pilote sur la filière karité. En mars, nous avons fait une mission d’évaluation. Ça faisait un an. Les résultats sont là. Le monde rural ne ment pas. Et je vous assure que les femmes ne savent pas mentir. Quand ça va, ça va. J’ai eu la chair de poule. Elles ne s’attendaient pas à moi.

Je leur ai dit qu’il y a des gens qui allaient venir les voir, comme cela fait un an, pour pouvoir avoir leurs avis sur le travail. Et elles ont été surprises de me voir. Mais quand elles m’ont vu, il y en a qui ont pleuré de joie. Au moment où je partais, elles chantaient pour m’accompagner. Et il y a encore des doléances de ce côté-là. Et donc, quand nous avons commencé à travailler dans ces zones pilotes sur la filière karité, on s’est rendu compte qu’il y avait un problème de déboucher qui se posait.

La première expérience, il y a eu problème de débouché, la deuxième expérience, il y a eu problème de débouché. On ne peut pas toujours prendre et stocker. Quand on prend la matière première, il y a des clients pour la matière première brute. Mais, il faut aussi diversifier les cibles en trouvant des clients pour le produit fini. Voici comment on a mis en place SCOOPS SOCOPAD qui est en fait rentré en production pour pouvoir solutionner ce côté. On a commencé à prendre.

Puisqu’on avait déjà un stock d’huile de palmiste, avec le stock du beurre de karité qui commençait à se cumuler, pour pouvoir diversifier et montrer la valeur de nos produits, on a commencé à additionner le beurre de karité, l’huile de palmiste, on a associé l’huile de coco etc., et on sort du savon. Ça, c’est SCOOPS SOCOPAD. On a commencé à mettre du beurre de karité dans des pots qu’on conditionne. On fait des crèmes de karité aussi.

Mais après, ce qu’il faut ajouter, avec ces femmes de la filière karité, les acquis, c’est que quand nous sommes allées dans l’analyse de leur procès de travail, de la situation, le diagnostic, on s’est rendu compte que, sur 3 villages, il y a 2 qui nous ont fait savoir clairement qu’elles ne transformaient plus la noix de karité en beurre de karité commercial. Elles transforment juste pour leur consommation. Et pour le reste, elles préféraient vendre les noix brutes.

Quand nous avons cherché, plus en profondeur, à connaitre les raisons, elles nous ont fait savoir que le travail était très difficile. Les arbres sont vieillissants, elles vont loin pour ramasser les noix, le travail est pénible. Mais quand elles finissent de produire, elles ne savent pas à qui vendre. Et même quand elles trouvent des preneurs, en général, c’est l’acheteur qui fixe les prix. Elles ne voient pas de grandes différences entre le prix d’achat du beurre de karité et la noix de karité que les étrangers, les usiniers, les industriels leur achètent.

Elles ont décidé de vendre maintenant, les noix de karité. C’est moins de fatigue, c’est plus simple pour elles, c’est moins de problèmes. Et quand elles veulent consommer le beurre de karité, elles produisent en petite quantité. Ça les arrangeait mieux. Donc, il fallait trouver un terrain d’entente. Le terrain d’entente que nous avons eu avec ces femmes, c’est qu’elles acceptent d’abord de reproduire le beurre de karité. Les conditions, c’était qu’elles fixent leur prix. Ce que nous avons accepté.

Mais qu’elles donnent une raison à l’acheteur lambda de venir prendre ce beurre de karité, au lieu de prendre ce beurre de karité qu’elles prennent d’habitude, que le consommateur prend habituellement ailleurs. Il a forcément son fournisseur. Elles nous ont fait savoir qu’elles vont nous faire sortir du beurre de karité désodorisé, sans produits chimiques, à l’ancienne, comme ce que les grands parents utilisaient qui permettait au beurre de karité d’être un pansement gastrique, d’être un pansement des plaies etc.

A savoir le beurre de karité avec toutes ses vertus. Donc on a commencé à travailler et ça donne ses résultats. En sommes, aujourd’hui, je peux dire que le RIFEVAL qui veut se positionner comme une référence en gestion de projets au service de la femme, pour un développement durable, avance vraiment selon son plan de travail. Après 3 ans d’existence, le RIFEVAL n’a pas besoin de publicité. C’est du bouche à oreille. Ça veut dire que ce qu’on fait, les gens trouvent que c’est réconfortant. Donc aujourd’hui, avec ces groupements de la filière karité, on a sorti le procès qui va avec.

Parce que ce sont des modèles en miniature qu’on a  mis en place. Mais, il y a le procès grandeur nature qu’on peut implémenter pour pouvoir accompagner tout le monde. Le projet avec Mme Kéita Bougouri est aussi là. L’appui du RIFEVAL a agrandi le projet. Mme Kéita Bougouri a pu voyager, les autres femmes sont là. Et donc la production continue. Et voilà un peu certains acquis.

Et au niveau des femmes expertes ?

On peut dire que ces femmes qui nous ont fait confiance et qui sont venues à RIFEVAL ont vu passer des procès, des procédures, elles ont pu avoir des missions d’évaluation et elles sont mêmes parties depuis la procédure d’évaluation, de planification de projet, par exemple, avec le karité dont j’ai parlé, jusqu’à sortir un programme de développement qui attend, un programme de développement durable sur ces programmes-là.

Vous avez, plus ou moins, parlé de SCOOPS SOCOPAD. Mais concrètement, SCOOPS SOCOPAD c’est quoi ?

Je dirai, SCOOPS SOCOPAD, c’est une plateforme d’incubation qui a été mise en place pour solutionner et accompagner les groupements, les bénéficiaires que RIFEVAL accompagne. Donc SCOOPS SOCOPAD accompagne plusieurs coopératives. Il y a plusieurs fédérations également qui nous ont approchées et qu’on accompagne.

On commence toujours par ce qui est littéraire sur leur procès et on avance. Comme je le dis, on fait d’abord le diagnostic. On analyse la situation. Ce que les gens ont, les acquis etc. Et on continue de travailler. Si SCOOPS SOCOPAD doit entrer en production, et renforcer ces procédures, on le fait. Il y a certains groupements aussi qui peuvent transformer. Vous allez voir qu’il y a plusieurs produits. Il y en a qu’on accompagne, qui arrivent à la transformation.

Dans quels secteurs d’activités travaille votre coopérative ?

SCOOPS SOCOPAD travaille surtout sur tout ce qui est agricole. Projets agricoles, transformations agroalimentaires et cosmétiques. Avec le karité, par exemple, c’est les crèmes de karité, du savon. Ça c’est le cosmétique. Avec l’alimentaire, je parlerai du beurre de karité qui est aussi un pansement gastrique qu’on peut consommer. Je parlerai du Cao Crock que vous connaissez certainement avec les croquettes de fèves de cacao. Ça c’est une autre histoire.

C’est un acquis aussi de RIFEVAL et de SCOOPS SOCOPAD. Le cacao transformé en amuse-bouche. Mais le cacao transformé sans produits chimiques avec toutes ses vertus sous plusieurs saveurs. Nous avons aussi, tout ce qui est céréales et vivriers que SCOOPS SOCOPAD aide à commercialiser à travers les groupements qu’on accompagne etc. Elles font plein de granulés, du piment, du soumbara café qui est tout à fait nouveau.

Parce que ce qu’il ne faut pas oublier, c’est qu’on a, quand même, voulu que, SCOOPS SOCOPAD se différentie des autres groupements et autres plateformes par rapport à son innovation. On essaie de se mettre dans le segment zéro déchet, sans produits chimiques, c’est-à-dire 100% naturel et essayez de maximiser le côté santé, le côté bien-être de l’humain. Que les Ivoiriens, les Africains, le monde entier apprennent à consommer des produits naturels pour se préserver de beaucoup de maux. Et c’est vraiment bon.

Donc du coup, du côté soumbara, vous allez voir le soumbara normal, qui existe, que tout le monde connait. A travers SCOOPS SOCOPAD, un de nos groupements qu’on a accompagné, on a mis en place, le soumbara café. Il est fait avec la même matière première, mais autrement, encore plus actif. Ça va lutter contre ceux qui n’aiment pas l’odeur très poussée du Soumbara. On parle de soumbara café parce qu’on met ça aussi dans de l’eau chaude, dans du lait qu’on peut boire, ça peut saupoudrer sur la nourriture.

Faut-il dire que SCOOPS SOCOPAD est spécialement réservée aux femmes ? Où quel est le pourcentage réservé aux femmes ?

A SCOOPS SOCOPAD, nous pouvons dire que nous avons 70 à 80% de femmes. On s’est rendu compte que les femmes rurales et dans le milieu de la gestion de projets sont les moins représentatives. Et puis dans le monde rural, elles sont les plus vulnérables. Elles ont plus besoin d’aides. C’est pourquoi on a ciblé, on parle des femmes. Sinon, il y a des hommes qui travaillent avec nous, en tant qu’experts.

Il y a des hommes dans les différentes coopératives qu’on accompagne. Mais on essaie de cibler quand on doit choisir pour que ce soit en majorité des femmes. Il y a des hommes qui nous sollicitent et nous les accompagnons sans problèmes. Puisque nous faisons la promotion du genre. Donc du coup, on dit derrière un grand homme, il y a toujours une grande femme. Mais nous on dira que derrière une grande femme, à côté, il y a un grand homme. Koffi Annan disait que « il n’existera pas de développement durable sans autonomisation de la Femme. »

Que ce soit RIFEVAL ou SCOOPS SOCOPAD, quelles sont vos difficultés ?

Les difficultés sont les difficultés en général comme toute organisation, de toute société qui commence avec une vision claire de là où elle veut partir. Et qui doit se débattre, seule, dans un premier temps, pour pouvoir atteindre ses objectifs. Faire ses preuves afin de se faire remarquer. Les difficultés sont d’ordre matériel, financier etc.

Aujourd’hui, de plus en plus, la demande est forte. On a besoin d’accompagner plus de gens. Les demandes sont là, les projets sont là. Mais il faut les financer. Il y a l’expertise qui est là. La technologie est là. On sait comment le faire. Mais on ne peut pas tout faire sur le champ. Alors qu’aujourd’hui, l’Afrique doit s’appuyer sur les chaînes de valeur agricole pour pouvoir s’en sortir. Si on veut se prévenir de beaucoup de maux, je dis qu’il faut éviter tout ce qui est chimique etc.

Il faut plus aller dans le canevas 100% naturel. Même quand ce n’est pas 100% naturel parce qu’il y a des produits qu’on ne peut pas sortir sans le mélanger à d’autres produits, mais que ce soit de façon très infirme. Mais chez nous, avec nos amuses gueules, nos amuses bouches, les croquettes de cacao, c’est 100% naturel. Mais on essaie d’aller au-delà et tirer le maximum et revenir aux anciennes valeurs, aux anciennes méthodes que nos parents ont utilisées pour pouvoir avancer.

Donc aujourd’hui, c’est d’avoir un accompagnement qui ne se limite pas à ce qu’on dit, mais d’aller plus en profondeur. On sait que le gouvernement fait beaucoup. Il y a beaucoup de projets qui sont mis en place. Au lieu que nous nous limitons sur le segment de l’agriculture, du monde rural, que RIFEFAL a ciblé pour se faire une expertise, pour accompagner, il faudrait, par exemple que, le gouvernement, l’Etat prenne une disposition pour dire que, mêmes les projets d’Etat, 10 à 30% de ces projets soient suivis par les femmes.

On dit souvent que quand tu as aidé une femme, tu as aidé toute une famille. Je suis sûre que cela aura aussi un impact sur nos projets de développement. L’avenir aujourd’hui, c’est l’agriculture, l’avenir c’est la bonne gestion, l’avenir c’est aussi d’être une référence pour le monde rural. C’est ce qu’on essaie de faire. Ça c’est au niveau de RIFEVAL. Au niveau de SCOOPS SOCOPAD, nous avons besoin de renforcement, au niveau des outils, des équipements.

Même l’implantation aujourd’hui, la structure, l’unité de production est sur un site qui est loué. Pourquoi ne pas être dans une zone industrielle avec une unité, une usine à grande échelle qui nous permet de produire. On peut produire des tonnes de croquette de cacao. Et ça tout le monde mange. Les enfants peuvent en consommer. Ça va nous prévenir de beaucoup de maux. Ça va nous prévenir de beaucoup de maladie.

Les grandes personnes peuvent consommer, ça peut aller loin. Faire la promotion du cacao, des croquettes de cacao de notre cacao à l’ivoirienne. Manger le cacao autrement. La poudre tout le monde connait. Les gens connaissent le beurre. Mais les croquettes, telle que nous le faisons, les gens ne connaissent pas trop. Alors que c’est aussi du bon cacao qui combine en même temps et les vertus du beurre et celles de la poudre. Voilà une autre manière de pouvoir conseiller le cacao.

Selon vous, quelles perspectives pour l’entrepreneuriat féminin en Côte d’Ivoire ?

L’entrepreneuriat féminin, voici un beau mot. C’est un avenir vraiment prometteur. Parce qu’on voit qu’il y a beaucoup d’engouement aujourd’hui. Beaucoup de femmes se lancent dans l’entrepreneuriat. Avant, c’était une chasse gardée à 80% pour les hommes. Mais de plus en plus, les femmes osent plus. Elles n’hésitent pas.

Ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas de difficultés. J’ai toujours dit que je suis une parachutée de l’agro-transformation. Parce que quand on a initié le projet de RIFEVAL, qui est venu après une autre organisation, je n’avais pas promis d’être agro-transformatrice. Mais quand on commence un schéma, et c’est ça, un gestionnaire de projet aguerri. Lorsque tu commences un projet, c’est l’évaluation et le suivi régulier qui te permettent de recadrer et de voir rediriger. Et on s’est dit finalement, qu’il faut forcement une unité de production pour pouvoir solutionner. Si demain, il y a autre chose à faire, on va le faire. Et c’est ça l’entrepreneuriat. Il y a toujours des problèmes aussi. Tout ne va pas comme sur des roulettes. Mais le plus important, c’est de ne pas tomber. Mais c’est de tomber et de pouvoir se relever. Et d’apprendre de ses erreurs, de ces difficultés-là, pour pouvoir mieux avancer.

Donc j’encourage beaucoup à l’entrepreneuriat. En si peu de temps, j’ai beaucoup appris. Parce que mon histoire c’est du salariat à l’entrepreneuriat. J’ai fait 25 ans de salariat. 10 ans à rechercher la stabilité professionnelle que je n’avais pas. J’ai eu 15 ans de stabilité professionnelle dans le milieu financier. Et j’ai fini par abandonner ce milieu, cette stabilité-là pour me jeter dans l’inconnu qui est l’entrepreneuriat.

C’est vraiment passionnant. Mais il faut aimer. Si on veut réussir dans l’entrepreneuriat, il faut aimer. Il faut savoir ce qu’on veut faire. Où on veut aller ? C’est ce qui nous permet de nous mettre au-dessus des difficultés et d’avancer. Et c’est vraiment passionnant. Il faut de plus en plus de femmes dans l’entrepreneuriat pour que vive la Côte d’Ivoire, vive l’Afrique  pour un meilleur devenir du monde !

Avez-vous un message particulier à lancer, surtout à l’endroit des femmes ?

Ah braves femmes. Pour paraphraser Kofi Annan, « Pour un développement durable, il faut l’autonomisation de la Femme ». Alors nous disons à RIFEVAL que « Pour une autonomisation de la Femme, il faut l’entrepreneuriat féminin. » C’est-à-dire que l’autonomisation de la Femme doit passer forcément par l’entrepreneuriat. Et c’est à ça que nous nous battons et c’est pour ça que nous invitons les femmes à se lancer dans l’entrepreneuriat pour être autonome et prendre leur destin en main.

Les femmes ont un rôle à jouer aux côtés des hommes. Et c’est ce qui doit faire la force des femmes, la force des hommes, la force de la Côte d’Ivoire, la force de l’Afrique dans le monde. Femmes et hommes ensemble, en train de se battre ensemble. Une des motivations qui m’a poussée vraiment à me lancer dans l’entrepreneuriat, c’est que je me suis souvenue de ma mère. Aussi quand j’ai vu également cette dame, Kéita Bougouri et autre, je me suis souvenue de ma mère qui a grillé des galettes appelées communément ‘‘womi’’, chanté par les jeunes, pour nous accompagner à l’école.

Mon père était entrepreneur maçon, mais en même temps, il était paysan. On avait des champs, on ne payait jamais de riz, ni d’arachide etc. Le vieux, à un moment donné, a évolué. Son champ a grandi. Mais la vieille est restée derrière ses 3 cailloux (foyers) en train de griller ses womi. J’ai fait mon CP1, je suis allée au collège jusqu’à ce que je finisse mes études, quand elle veut faire quelque chose, ce sont ses trois cailloux.

J’ai dit, mais il y a quelque chose qui ne va pas. Tu ne peux pas être au même stade comme ça pendant 20 ans, 30 ans de ta vie. Si c’était un homme, il allait oser, il allait prendre le risque d’agrandir, faire peut-être un petit apâtâm et puis cela allait devenir comme « womi avec lait qui est doux ». Mais comme c’est ma maman, c’est la vieille, c’est la femme, elle s’est contentée de ça. Il faut que les femmes sortent de leur zone de confort pour se frotter au monde de l’entrepreneuriat.

C’est des coups que vous allez recevoir. Il y a des problèmes dedans, mais vous allez surmonter ça et avancer. C’est l’appel que je peux lancer aux femmes. Rien n’est facile. Même dans sa zone de confort, il y a des difficultés. Donc sort de là pour pouvoir avancer. Aussi, je dis merci aux gouvernants. Je félicite vraiment nos gouvernants pour l’élan actuel d’entrepreneuriat, de motivation à l’entrepreneuriat, pour l’accompagnement, mais je souhaiterais, humblement à mon niveau d’accentuer davantage leurs actions.

Parce que, si jusqu’à présent, certains entrepreneurs ne sont pas encore pris en charge etc., cela veut dire qu’il reste beaucoup à faire. Ça veut dire que les gouvernants font beaucoup d’efforts actuellement, mais qu’ils continuent sur cette lancée, qu’ils augmentent les accompagnements. Mais en même temps, il faut que ce soit suivi de formations, de renforcement de capacité. Parce que si on voit une femme qui veut faire un atelier de couture, qu’on lui paie des machines, qu’on lui donne de l’argent pour s’installer, alors qu’elle n’est pas formé à la couture, qu’elle doit prendre des gens pour le faire, forcément le projet ne peut pas aboutir. Il faut donc qu’on puisse allier la formation, le renforcement de capacité, l’accompagnement et le financement.

Mais en plus, quand il y a le financement, il faut le suivi et évaluation. Le RIFEVAL est là pour palier à ça. On s’est rendu compte qu’il y a plusieurs groupements de femmes qui sont accompagnés et quelques années après, le projet est oublié. C’est dû au fait qu’il n’y ait pas d’organisme sur place pour s’occuper, et qui est vraiment imprégné de ces questions-là, qu’on responsabilise. Donc le RIFEVAL est là pour ça. Il s’occupe des projets de développement durable, les projets de développement communautaire etc., qu’on puisse associer le RIFEVAL aussi pour le côté suivi, évaluation, gestion etc. et que vraiment le gouvernement pense à nous.

Nous sommes là pour travailler pour la République. On veut avoir une unité de production, même en zone industrielle, avec SCOOPS SOCOPAD qui accompagne la plateforme d’incubation. On voudrait avoir, par exemple, avec RIFEVAL qui est représenté à un certain niveau, pour pouvoir évaluer, gérer les projets etc. C’est notre souhait. Nous restons derrière et on aide le gouvernement à atteindre ses objectifs. Nous sommes déjà associés à l’élaboration du PND etc., avec le Ministère du Plan, mais qu’on puisse aller au-delà.

Réalisée par Benoît Kadjo

 

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