Côte d’Ivoire : Les vérités de Affi N’guessan sur la réconciliation et la paix

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Le président du Front populaire ivoirien, Pascal Affi N’guessan a reçu, le samedi 24 juillet 2021 à Yamoussoukro, un prix à lui octroyé par la Fédération internationale pour la paix, la presse et le développement en Afrique (FIPPDA), en tant qu’Ambassadeur de la paix. A cette occasion, Pascal Affi N’guessan a dit ses vérités sur la question de la réconciliation et la paix en Côte d’Ivoire. Ci-dessous son message.

MESSAGE DE L’HONORABLE AFFI N’GUESSAN PASCAL AMBASSADEUR DE LA PAIX

J’ai l’insigne honneur de prendre la parole au nom des personnalités distinguées ce jour pour tout d’abord remercier la Fondation Internationale Pour la Paix, la Presse et le Développement en Afrique pour l’honneur qu’elle nous fait à travers ces différentes distinctions.

Celles-ci constituent pour chacun d’entre nous un message d’encouragement, une lettre de mission et une prime d’incitation à servir avec plus d’engagement et d’abnégation la cause de la paix.

Cette mission, nous la remplirons. Avec ce sentiment d’urgence absolue qui déculpe l’énergie et la volonté d’agir. Cette mission, nous la remplirons en souvenir de ces milliers de victimes qui ont jalonnés l’histoire récente de notre pays, ces noms, ces visages, ces victimes qui peuplent nos mémoires. Je vous propose en cet instant, d’avoir une pensée pour eux.

En dépit de ses performances économiques et de ses réalisations physiques et matérielles, la Côte d’Ivoire va mal, notre pays est malade des dissensions entre ses fils, des désaccords et des divergences, des divergences sur les valeurs fondatrices d’une conscience commune, d’une volonté de vivre ensemble dans la tolérance, la communion et la cohésion. Notre pays est déchiré sur ce qui est ou devrait être son identité, sur la manière d’organiser et de faire fonctionner l’Etat, de conquérir et d’exercer le pouvoir politique.

Les frustrations et les ressentiments accumulés, notamment au cours de ces trente dernières années ont sédimenté les sentiments de colère, de révolte, de haine et de vengeance. La violence couve dans les cœurs, dans les esprits. Elle explose régulièrement comme une éruption volcanique avec son torrent de victimes humaines et de dégâts matériels. L’histoire de nos 30 dernières années est une histoire de bruit de bottes, une histoire de larmes, une histoire de sang, une histoire de ressentiments, d’hypocrisie et de mensonges. L’opposé finalement du message de fraternité qu’à travers ces 100 jours de prières islamo-chrétiennes, vous avez si bien su porter, le reniement malheureusement de l’héritage culturel, moral et politique que nous a légué le père de la Nation ivoirienne, le Président Félix Houphouët-Boigny.

Il faut rompre le cycle infernal des violences en Côte d’ivoire. Il faut mettre fin aux divisions, réconcilier la nation avec elle-même afin d’imposer la paix et de bâtir une nation forte, unie dans sa diversité ethnoculturelle, fraternelle et solidaire.

Mais si la Côte d’Ivoire ne s’est jamais réconciliée, c’est parce que les Ivoiriens ne l’ont jamais ardemment désiré et les dirigeants ne l’ont jamais voulu, jamais sincèrement voulu, jamais loyalement voulu.

Oh ! bien sûr ils en parlent tous ; nous en parlons tous, nous en parlons beaucoup mais toujours pour moins la faire. Comme si les mots pouvaient remplacer les actes. Et les actes n’ont malheureusement jamais suivi.

La Côte d’Ivoire n’a en réalité jamais su s’aimer. S’aimer comme une Nation. Ses enfants ont obstinément ignoré cette mise en garde du Pasteur Martin Luther KING : « Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères et sœurs, sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots ».

D’autant qu’au de-là même de nos divisions l’environnement sécuritaire est menaçant et fait courir au pays un risque immense, la menace terroriste. Alors, le temps ne peut plus être aux petites personnes, aux petits intérêts, aux petits calculs, aux petites manœuvres, guidés par des égos surdimensionnés. Car le résultat sera de grands malheurs, de grandes souffrances pour soi bien sûr mais aussi pour les autres, pour la Nation.

Faisons enfin, collectivement, individuellement, preuve, je le redis, d’esprit de responsabilité. Chacun de nous doit jouer sa partition, adopter cette posture d’humilité que nous enseignent les textes sacrés. Les Eglises, les mosquées et autres confessions religieuses bien sûr parce qu’il appartient aux hommes de Dieu d’ouvrir le chemin, parce qu’ils portent un message d’amour, de pardon de paix et de réconciliation.

Cette manifestation œcuménique sous l’égide de la fédération Internationale pour la Paix est la marque de l’entente parfaite entre les religions dans notre pays, et de notre option politique et éthique d’une laïcité positive et bienveillante. C’est une force immense, un atout précieux pour la Côte d’Ivoire.

Les Hommes de Dieu donc, la société ivoirienne aussi dans toutes ses composantes : la Société Civile, les Femmes, les Jeunes, les Intellectuels, les Associations, les Syndicats, les Autorités coutumières, les Communauté, les Régions, toutes les Forces vives de la nation. Tous doivent prendre conscience de l’urgence d’agir pour la paix et la cohésion nationale.

Et puis, il y a les trois présidents de la République, les anciens : Henri Konan BEDIE et Laurent GBAGBO ; l’actuel : Alassane OUATTARA. Acteurs majeurs de l’histoire de ces trente dernières années de notre pays, ils ont aujourd’hui une responsabilité particulière dans ce défi, par la puissance d’incarnation de chacun d’eux.

Chacun a beaucoup à reprocher aux autres. Je les entends parfois égrener leurs épreuves et leurs souffrances comme autant d’injustices à réparer, voire de revanche à prendre. Je les entends, eux ou leurs partisans. Le Président Henri Konan BEDIE a subi le coup d’Etat militaire de 1999 comme une injustice jamais réparée.

Le Président Alassane OUATTARA, au nom d’une idéologie identitaire et ravageuse, a vécu l’ostracisme et l’exclusion. Et que dire du Président Laurent GBAGBO, évincé violemment du pouvoir en 2011 et déporté à La Haye ; auquel tant d’années de sa vie ont été injustement volées et dont l’acquittement et le retour au pays auraient pu être un moment de communion nationale si la réconciliation avait été accomplie. Peut-être aussi s’il avait su trouver les mots. Tout cela est incontestable.

Mais parce que chacun d’eux porte aussi une part de nos malheurs collectifs, leur responsabilité est essentielle dans la construction de la paix. Je les supplie de donner une chance à la paix. Je les appelle à pardonner pour se réconcilier. Sans leur bonne foi, sans leur engagement résolu, la Côte d’Ivoire ne brisera pas les chaines du passé.

Pardonner n’est pas oublier ni abdiquer ; ce n’est ni nier, ni denier encore moins renier ; ce n’est ni renoncer à la vérité ni excuser. C’est lutter sans haine pour la réconciliation, pour la paix, pour l’avenir, avec amour, avec compassion, avec miséricorde. « Sans pardon, nous dit le Révérend Desmond TUTU, il n’y a pas d’avenir ».

Si les trois ‘’Majors’’ acceptent de fumer le calumet de la paix, eh bien dans leur sillage, c’est un mouvement national qui s’enclenchera, à travers une dynamique de décrispation et de fraternisation entre les partis politiques, les communautés, les citoyens pour vivre ensemble comme des frères et des sœurs, libres, heureux, joyeux et conquérants.

Les trois ‘’Majors’’ le savent : leur avenir politique est largement derrière eux mais ils peuvent ensemble entrer dans l’histoire, consacrer leurs dernières énergies à la cause de la réconciliation nationale et de la paix afin de léguer à leurs successeurs une nouvelles conscience nationale, un nouveau cadre et de nouvelles règles du jeu institutionnel pour une Côte d’Ivoire démocratique et pacifique.

J’ai apprécié les propos clairs du Président BEDIE à l’occasion de la visite que lui a rendue le Président Laurent GBAGBO, dédiant ses dernières forces au dialogue politique et à la réconciliation nationale.

Je salue l’audience que le chef de l’Etat, le Président Alassane Ouattara accorde au Président Laurent Gbagbo, le 27 juillet prochain. C’est un grand moment pour la réconciliation nationale et la paix. Je rends hommage au Président GBAGBO pour le courage politique et la hauteur de vue. C’est un acte fort que l’histoire n’oubliera pas. J’ai la conviction qu’il n’est pas loin le jour où la colère et le ressentiment s’évanouiront de nos cœurs, les sentiments d’affection, d’appartenance et d’empathie inonderont nos esprits, alors les armes de la violence et de la division tomberont de nos mains.

Pour ce qui me concerne, pour ce qui nous concerne, ambassadeurs de la paix, soyez rassurés que désormais nous serons en permanence en première ligne dans le combat pour la réconciliation nationale et la paix.

Comme Gandhi, comme Martin Luther KING, comme Nelson MANDELA, comme feu le président Félix Houphouët-Boigny et tous ceux qui ont fait de la paix une religion, nous serons des apôtres de la paix. Comme nous l’enseigne l’Ecclésiaste, « il y a un temps pour tout et pour toute chose sous les cieux : un temps pour tuer, et un temps pour guérir ; un temps pour déchirer, et un temps pour coudre ; un temps pour se taire, et un temps pour parler ; un temps pour la guerre, et un temps pour la paix ».

De toutes nos forces, avec toute la puissance de notre volonté, entrons dans le temps de la paix.

Que Dieu bénisse la Côte d’Ivoire.

Je vous remercie.

L’Honorable AFFI N’Guessan Pascal

Président du FPI

Ambassadeur de la Paix