Me Faustin Kouamé, constitutionnaliste, ancien ministre, Garde des Sceau, ministre ivoirien de la Justice sous le président Henri Konan Bédié, surnommé vagabond du Droit, a animé une conférence de presse ce mercredi 19 février 2025 à son cabinet à la Riviera Palmeraie dans la commune de Cocody. A la veille de l’élection présidentielle, il a tenu à se prononcer, en tant que spécialiste du droit, sur certains sujets juridiques qui défraient la chronique et qui constituent de véritables nœuds gordiens pour l’organisation d’un bon scrutin électoral.
Les questions d’éligibilité du président du Pdci-Rda, Tidjane Thiam, de la gestion dudit parti, de la candidature du président Alassane Ouattara qui pourrait briguer un 4è mandat, des candidatures de Laurent Gbagbo et Guillaume Soro qui n’ont pas encore leur nom sur la liste électorale alors que ces derniers ont annoncé leurs candidatures à la présidentielle prochaine, sans oublier la révision de la liste électorale exigée par l’opposition, la crédibilité de l’actuelle Commission électorale indépendante (CEI)… ont été les sujets sur lesquels s’est prononcé l’ancien ministre de Henri Konan Bédié chargé des affaires présidentielles. Dans cet article, le site justeinfos.net vous fait le point sur sont intervention sur la double nationalité de l’actuel président du Pdci-Rda.
Pour l’éligibilité de Tidjane Thiam, président du Pdci-Rda, à la prochaine élection présidentielle en Côte d’Ivoire, alors que plane sur lui une question de double nationalité, Me Faustin Kouamé, enseignant en droit a été clair. « La Côte d’Ivoire reconnait la double nationalité mais n’autorise pas la double nationalité. Ça veut dire quoi concrètement quand vous consultez le code de nationalité ? Vous êtes libanais, vous êtes américain…, vous venez en Côte d’Ivoire, vous êtes majeur et vous prenez la nationalité ivoirienne. La Côte d’Ivoire reconnait cela », a déclaré le docteur en 3ème Cycle en Sciences Criminelles et diplômé de Droit constitutionnel du High vu School of Law of Tulane University.
« Maintenant vous êtes ivoirien, comme la plupart de nos frères, vous êtes en France, vous êtes majeur, vous prenez volontairement la nationalité française, vous perdez de plein droit la nationalité ivoirienne. Parce qu’il y a la nationalité qu’on acquiert à la suite d’un acte juridique, décret, adoption, mariage du conjoint qui a une autre nationalité et puis, il y a la nationalité subie. Le fait de naître là où tu ne demandes pas à naître. On ne choisit pas ses parents à la naissance (…) Une femme enceinte, tu vas aux Etats-Unis, tu as mal au ventre, tu accouches, ton enfant est américains. Donc Thiam est né ici. Mais sa double nationalité est de droit à la naissance. Ce n’est pas un majeur qui a pris la nationalité française.
Donc comme certains le soutiennent en évoquant l’Article 48, 49, du code de nationalité, qu’il aurait perdu la nationalité ivoirienne que même s’il finit avec la France, il faudrait un décret de réintégration, non. Il n’est pas concerné. Parce qu’il est comme nous, quand tu es né ici. Quand les deux parents sont ivoiriens, tu es ivoirien, quand l’un de tes parents seul, comme lui, est ivoirien, tu es donc ivoirien. Mais on n’a pas à choisir », a fait savoir le conférencier. Il a d’ailleurs précisé que le père de Thiam est français.
Pour l’ex-avocat au Barreau de Paris et enseignant en droit « c’est pour cela que certains d’entre nous, quand ils vont en France, aux Etats Unis… pour mieux vivre, pour accéder à certaines choses, en tant que majeurs, ils prennent la nationalité. Mais la Côte d’Ivoire qui reconnait qu’on prenne sa nationalité, pour avoir deux ou 3, n’autorise pas de façon volontaire, la double nationalité. » Et en croire le citoyen d’honneur de la Nouvelle Orléans, « le président Thiam n’est pas dans un cas de double nationalité en tant que majeur. »
Me Faustin Kouamé a révélé que l’actuel président du Pdci-Rda, malgré les Articles 18 à 26 du code civil français, avec la quinzaine de lois françaises sur la question, constituant un panier à crabe, « le concernant, il y a eu ce qu’on appelle une pleine possession d’Etat de la nationalité ivoirienne ici », pour avoir été le directeur général du Bnetd, ministre du gouvernement ivoirien etc. « Et puis peut-être après 10, 15 ans…, 20 ans après le coup d’Etat, il a eu une pleine possession d’Etat, de la nationalité française. C’est-à-dire pas seulement sur papier mais se comporter avec les obligations, les avantages de sa nationalité. On le voyait bien là-bas avec les premiers ministres français, les gens dire le franco-ivoirien, en Angleterre, avec le Crédit suisse. Mais c’est un cas jurisprudentiel. » Aussi, selon l’ex-député de Bonoua, « quand c’est comme ça, la renonciation volontaire te dit quand vous devenez majeur, jusqu’à 19 ans et demi, après les textes de 1973, 1998 jusqu’à 35 ans vous pouvez renoncer à la nationalité. Mais les textes ne disent pas après 19 ans ou 35 ans, quand tu n’as pas renoncé à ta nationalité, tu n’as plus droit d’y renoncer. Non. Et il y a la renonciation quand ce n’est pas une sanction, quand tu as fait des bêtises, on prend un décret ou bien tu as été naturalisé donc on prend un décret. Non, il y a le parallélisme des formes et compétences. Dans les cas des nationalités subies, à la suite, on ne doit pas demander, on dit que tu es ivoirien. C’est pour la déclaration. »
« Et c’est ce qu’a fait le président Thiam en se rendant au consulat de France. Parce que quand tu n’es pas sur le territoire français, cette déclaration doit être faite soit à l’Ambassade soit au Consulat français qui sont, en droit international, le prolongement du territoire. » Il a précisé qu’après cette déclaration au consulat français qui doit être motivée, le concerné est soumis à des délais. « Ou bien le même jour, ou bien dans la semaine qui suit. Ta demande de renonciation porte la mention enregistrée. Ça veut dire que c’est bon », a-t-il clarifié. Il a également indiqué que si cela n’a pas été fait dans ce délai, l’administration française à 6 mois pour répondre.
« Et si après 6 mois, elle ne te répond pas, oui ou non, elle est censée avoir accepté ta renonciation », a affirmé le conférencier. Pour qui cela ne doit pas fait l’objet de débat parce que l’administration doit simplement vérifier si tu es en règle avec les impôts, ou si tu n’as fait pas l’objet d’une condamnation pénale définitive. Pour l’ancien Garde des Sceaux ivoirien, il ne devait pas avoir de problème sur l’acte de demande de renonciation à la nationalité française de M. Thiam. Car cela devait être une simple formalité. Mais selon lui, il faut quand même rester prudent, parce que beaucoup de choses peuvent également se passer par rapport au croc en jambe de certains candidats.
Au dire du conférencier, les choses devaient arranger la Côte d’Ivoire qui a intérêt à ce que l’un de ces fils soit président de la République en Côte d’Ivoire même si la France a également, intérêt à ce que l’un de ses ressortissants, jusqu’à 62 ans soit président.
« Il ne devait pas avoir de problème quand Tidjane Thiam dit que c’est une simple formalité. Ce n’est pas signe d’arrogance. Cela sous-entend que pour ce qu’il a été en Côte d’Ivoire, et pour ce qu’il a été en France et en Europe, tout le monde a intérêt à le voir président. Objectivement, il ne devait pas avoir de problème », a rassuré l’homme de droit.
Benoît Kadjo